Expropriation et emplacement réservé : quelle date de référence ?

Par un arrêt récent et qui sera publié au Bulletin, la Cour de cassation a précisé la date de référence devant être retenue pour déterminer la valeur du bien dans le cadre de la fixation de l’indemnité d’expropriation d’un terrain compris dans un emplacement réservé, créé pour le seul besoin de l’opération déclarée d’utilité publique et avec laquelle le plan local d’urbanisme avait été mis en compatibilité.

Les articles L322-1 et suivants du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique fixe la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la consistance et la valeur des biens expropriés.

Le principe fixé par l’article L322-2 est de retenir la date de la décision de première instance, seul étant pris en compte l’usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique. Il s’agit de la « date de référence ». Toutefois, un cas particulier est prévu pour les terrains situés dans un emplacement réservé par le plan d’occupation des sols ou par le plan local d’urbanisme (article L322-6). Dans ce cas, le terrain doit être considéré pour son évaluation, comme ayant cessé d’être compris dans cet emplacement (de sorte à ce qu’il soit considéré comme constructible) et la date de référence est fixée en fonction de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanisme ou le document d’urbanisme en tenant lieu.

Toutefois, il se pose la question de l’acte devant être retenu pour fixer cette date de référence lorsque l’emplacement réservé incluant le terrain exproprié est créé à l’occasion d’une procédure d’évolution des documents d’urbanisme dite de « mise en compatibilité » avec les opérations déclarées d’utilité publique. Il sera ici rappelé que cette procédure permet de modifier les documents d’urbanisme pour les mettre en compatibilité avec les projets qui sont considérés comme d’utilité publique.

Dans cette espèce, un plan d’occupation des sols avait fait l’objet d’une procédure de mise en compatibilité ayant notamment pour effet de créer des emplacements réservés pour le seul besoin de l’opération déclarée d’utilité publique. Dès lors se posait alors la question de savoir si, ces emplacements réservés ayant été créés pour le seul besoin de l’opération déclarée d’utilité publique, s’appliquait la règle générale de l’article L322-2 du code de l’expropriation, ou celle, dérogatoire, de l’article L322-6 de même code pour la fixation de la date de référence devant être retenue pour la valorisation du bien exproprié.

La Cour de cassation a estimé, que l’arrêté déclarant l’opération d’utilité publique et emportant mise en compatibilité du plan d’occupation des sols constitue un acte entrant dans les prévisions de l’article L322-6 du code de l’expropriation. Afin d’estimer la valeur du bien il convient donc de considérer d’une part que le bien exproprié n’est pas compris dans un emplacement réservé et d’autre part de se placer à la date de l’acte le plus récent rendant opposable le document d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé l’emplacement réservé. C’est donc, dans ce cas, à la date de l’arrêté déclarant l’utilité publique qu’il convient de se placer, et non, comme le souhaitait l’expropriant, un an avant l’ouverture de l’enquête publique préalable à cette déclaration. Cass. Civ. 3e, 24 mai 2018, n° 17-16.373



error: Ce contenu est protégé