L’intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme : précisions du Conseil d’État

L’article L600-1-2 du code de l’urbanisme, modifié par l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013, a restreint les conditions de recevabilité permettant de former un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation d’urbanisme : il est indispensable de justifier que le projet contesté est de nature à « affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien » détenu ou occupé régulièrement.

La jurisprudence est toutefois restée muette sur les modalités de démonstration du trouble dans l’occupation, l’utilisation ou la jouissance du bien en cause.

Ce n’est que très récemment, dans un arrêt en date du 10 juin 2015, que le Conseil d’Etat livre son interprétation. La haute Juridiction considère que dans un premier temps le requérant doit démontrer son intérêt lui donnant qualité à agir contre l’autorisation d’urbanisme en faisant état de « tous les éléments suffisamment précis et étayés » de nature à établir que l’atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Dans un deuxième temps, c’est au défendeur (de l’autorisation d’urbanisme attaquée) d’apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes allégées sont « dépourvues de réalité ». On peut imaginer ici toutes sortes de preuves (expertises, photographies …). Enfin, dans un troisième temps, le juge de l’excès de pouvoir forme sa conviction sur la recevabilité de la requête au regard des éléments versés au dossier. Il peut écarter les allégations qu‘il jugerait insuffisamment étayés, sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte « la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de sa recevabilité ».

En l’espèce, les requérants invoquaient des troubles dans les conditions d’occupation et de jouissance de leurs biens (maisons d’habitation) en raison du projet de construction, à 700 mètres, d’une station de conversion électrique. Etaient invoquées des nuisances visuelles et olfactives.

La Haute juridiction a considéré que les nuisances visuelles tenant au fait que la station serait visible depuis leurs habitations respectives ne suffisait pas, par elles-mêmes, à faire regarder la construction comme de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des biens des requérants. Toutefois, les juges ont retenu que les nuisances sonores invoquées étaient quant à elles de nature à affecter directement ces conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des maisons d’habitations des requérants. Le Conseil d’Etat a ainsi conclu à la recevabilité de la requête contre le permis de construire attaqué.

– Conseil d’Etat, 10 juin 2015, Monsieur B.D. et Madame C.A., req n°386121

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT0



error: Ce contenu est protégé