Permis de construire modificatif : jusqu’où peut on aller ?

Par une décision du 26 juillet 2022, le Conseil d’Etat apporte des précisions quant à la portée des modifications apportées à un projet autorisé par un permis de construire.

Jusqu’à présent, un permis de construire modificatif ne pouvait être sollicité et délivré que si les modifications envisagées n’affectaient pas la conception générale du projet initial. En revanche, le permis de régularisation prévu par l’article L600-5-1 du code de l’urbanisme et permettant d’éviter l’annulation juridictionnelle d’un permis de construire, permettait d’apporter davantage de modifications, puisqu’il était soumis à la seule condition de ne pas apporter un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même.

Dans sa décision rendue le 26 juillet 2022, le Conseil d’Etat a jugé que « l’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. »

Le Conseil d’État maintient la condition de validité du permis de construire initial et le non-achèvement des travaux autorisés, mais aligne le régime des modifications autorisées dans le cadre du permis de construire modificatif sur celui du permis de régularisation. Désormais, les modifications peuvent remettre en cause la conception générale du projet dès lors qu’elles n’apportent pas à ce projet un « bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».

Le bouleversement de la nature du projet reste une notion difficile à définir et nécessitera des éclaircissements jurisprudentiels, bien que la notion ait été esquissée par le rapporteur public Olivier Fuchs dans ses conclusions rendus dans la décision du 2 octobre 2020 n°438318 (relative au permis de régularisation) : « Nous vous proposons donc de retenir que le juge doit surseoir à statuer dès lors qu’il lui apparaît, compte tenu des éléments du dossier et des dires des parties, que peut être envisagée une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même et romprait de fait le lien avec le permis initial. Pour porter cette appréciation, vous pourrez prendre en compte plusieurs indices relatifs au projet, notamment sa destination, ses dimensions, son implantation ou encore les caractéristiques principales de son insertion dans l’environnement. L’important est que les modifications qui devraient être apportées à ces éléments soient telles qu’elles conduisent à rompre le lien avec le permis initial. »

Ainsi, le Conseil d’Etat accorde davantage de flexibilité aux porteurs de projet qui pourront lui apporter des modifications substantielles afin de répondre aux besoins de l’instruction ou s’adapter aux nécessités du projet.

Pour autant, il apparait encore difficile de circonscrire le champ d’application du nouveau permis de construire modificatif, tout comme la notion de « nature » du projet. Cela implique de mesurer le risque contentieux de l’ampleur de la modification au regard de l’autorisation initiale.

Cela implique également pour le voisinage susceptible d’être affecté par le projet de construction de regarder avec attention les modifications apportées. Le projet pourrait finalement s’avérer être très différent du projet initial même si sa « nature » demeure inchangée.

Rédigé par Elise DANZÉ et Gwenaël LE FOULER

Décision : Conseil d’Etat du 26 juillet 2022, n°437765



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