Drives piétons : heureusement, Paris ne manque pas de pigeons !

Les élus des grandes villes se soulèvent depuis quelques mois contre le développement des « dark stores » dans leurs centres-villes. Ils considèrent – à juste titre – que l’installation de locaux dédiés à la livraison de commandes à distance nuit à leur centre-ville. Effectivement, si ce type d’établissement crée un flux de deux roues motorisés ou non qui sont chargés d’effectuer les livraisons, ils ne font pas venir la clientèle en centre-ville. A défaut d’une clientèle passante, l’animation des centres-villes décline.


Pour lutter contre ce phénomène opportuniste (le dark-store cherche à se positionner au plus près des habitants pour tenir la promesse d’une livraison en 10 mn), le code de l’urbanisme devrait être prochainement modifié afin de préciser les destinations de locaux pouvant être réglementées par le plan local d’urbanisme. Une implantation qui ne correspond pas aux destinations autorisées par le document d’urbanisme ne sera pas possible.


Curieusement, les modifications annoncées révèlent une cible bien plus large que les seuls dark-stores, les drive piétons (c’est-à-dire les points permanents de retrait par la clientèle d’achats au détail commandés par voie télématique) sont également visés. Ces deux modes de distribution commerciale devraient prochainement quitter la destination « commerce » pour entrer dans la destination « entrepôt ». Il sera rappelé que le Larousse définit l’entrepôt comme un « lieu où sont déposées des marchandises pour un temps limité ».

La catégorisation des dark-stores en « entrepôt » ne nous choque pas car tel est bien ce qu’ils sont. C’est un lieu de stockage qui n’est pas fréquenté par une clientèle et qui n’est que le point de transit entre la livraison en masse par des camions et la distribution au détail des commandes réalisées en ligne par des véhicules légers. La clientèle ne fréquente pas cet établissement.

En revanche, assimiler les « drive piétons » à de l’entrepôt n’est pas compréhensible au regard du souci de préservation de l’animation des centres-villes. Le fonctionnement d’un « drive piéton » est très différent de celui d’un dark-store puisque la clientèle se déplace pour venir retirer ses achats. Également, et par définition, le drive piéton n’offre pas à sa clientèle la possibilité de venir retirer ses achats en voiture. Ces établissements se sont d’ailleurs essentiellement développés dans les grandes villes et tout particulièrement à Paris où la circulation en voitures est difficile. En d’autres termes, ce mode de distribution invite la population à fréquenter le centre-ville pour y effectuer le retrait de commande. Cette différence est donc essentielle car le drive piéton offre au client un gain de temps sans le détourner du centre-ville. Ce gain de temps pouvant justement être utilisé pour la fréquentation des commerces voisins et entretenant ainsi l’attractivité et l’animation du centre-ville. La seule différence avec un commerce classique réside dans le fait que la commande se fait à distance, par voie télématique…

Catégoriser le « drive piéton » en entrepôt, aux cotés des centres de données et des lieux de pur stockage aura pour effet de rejeter leurs possibilités d’implantation loin des quartiers résidentiels. Non seulement les commerces traditionnels de centre-ville ne bénéficieront aucunement du flux de clients les fréquentant, mais y aura-t-il des piétons disposés à se rendre dans un tel secteur (éloigné de leur domicile) pour retirer leurs achats ? A titre d’exemple, à Paris les entrepôts ne sont admis que sur des terrains ne comportant pas d’habitation autre qu’un logement de gardien… l’implantation en pied d’immeuble devient donc quasi impossible.

Comme alternative à la voie télématique, les opérateurs du quick commerces vont-ils être obligés de recourir aux pigeons voyageurs pour acheminer les commandes et ainsi éviter une implantation périphérique ? Heureusement, Paris ne manque pas de pigeons !

Merci à Christophe BOISSON Cbocom pour l’illustration



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